Histoires parallèles : fiscalité et retraites

Au lendemain de la 2e guerre mondiale, la situation des anciens a été considérablement modifiée avec la mise en place, sous l’égide d’Ambroise Croizat, de la Sécurité sociale, en particulier des pensions de retraite et de l’assurance maladie. Si certaines corporations avaient déjà des systèmes de retraite, pour la majorité des salariés du secteur privé c’est un véritable progrès. Certes, à cette époque de nombreux travailleurs mourraient avant 65 ans, mais l’invalidité ou la retraite était synonyme d’extrême pauvreté avec l’absence de ressources.
Pour les forces réactionnaires, cet énorme conquis social est insupportable. Des sommes importantes sont mutualisées pour la Sécurité sociale et échappent ainsi au capital. Et surtout, la Sécurité sociale était gérée par les représentants des assurés sociaux élus par les salariés ( 3 / 4 de représentants des salariés et 1⁄4 de représentants patronaux). La démonstration était faite que les travailleurs pouvaient gérer de telles structures.

Les luttes ont permis de continuer à enregistrer des avancées sociales avec la mise en place des retraites complémentaires, du Smig, le gain d’une 3e , d’une 4e puis d’une 5e semaine de congés payés, la réduction du temps de travail, la mise en place d’organismes sociaux (centres de vacances, colonies de vacances, etc.). Pour autant, tout n’a pas été linéaire, le patronat avec ses alliés politiques a méthodiquement attaqué tous les conquis sociaux et particulièrement la Sécurité sociale.
Les ordonnances du Général de Gaulle en 1967 ont entrepris cette déstabilisation de la Sécurité sociale avec l’éclatement de l’unicité par la création des caisses nationales et l’instauration du paritarisme dans les organismes de gestion. 
Si les luttes de mai 1968 ont permis d’engranger un certain nombre de nouveaux conquis, il n’a pas été possible d’obtenir l’annulation des ordonnances.
Dans le même temps, une offensive était enclenchée pour réduire la fiscalité payée par les plus riches. La mise en place de certains dispositifs comme le bénéfice mondial consolidé, pour les plus grandes entreprises, tel Total, leur a permis d’échapper à toute imposition sur le bénéfice.
En 1988  Philippe Seguin  décide le décrochage des pensions de retraite du régime général par rapport au salaire moyen avec l’indexation des pensions de retraite de la Cnav sur l’indice des prix.
Balladur en 1993 a allongé la durée de cotisations et a modifié le calcul (25 meilleures années au lieu de 10).
Si Juppé en 1995 avait dû abandonner sa réforme, en 2003 Fillon a aligné la quasi-totalité des régimes de retraite sur  l’évolution des prix.
Depuis 2008, la régression a subi une formidable accélération, encore accentuée à partir de 2013
2 années volées pour les pensions de retraite de base et 4,5 ans pour les retraites complémentaires.
Jusqu’en 2008, la revalorisation des pensions de base intervenait au 1er janvier sur la base de l’inflation estimée par la Loi de Finances de l’année avec une régularisation tenant compte de l’inflation constatée pour l’année précédente. En 2008, il y a même eu une 2e revalorisation au 1er septembre. Le report des revalorisations au 1er avril par Sarkozy en 2009, au 1er octobre par Hollande en 2015 puis au 1er janvier par Macron en 2019, ont fait perdre une année. Le gel des pensions en 2014 et la modification par Hollande du calcul des revalorisations en fonction de l’inflation constatée sur l’année écoulée au lieu d’une augmentation calculée sur l’inflation estimée pour l’année à venir ont fait perdre une deuxième année.

Retraites complémentaires : non-revalorisation du 1er avril 2013 au 1er novembre 2017  due au refus obstiné du patronat d’augmenter les cotisations. La CGT contrairement à certaines organisations syndicales a refusé ce diktat prononcé au détriment des retraités, sous prétexte de « sauver le régime ».
Aujourd’hui le développement des paradis fiscaux dans un certain nombre de pays exotiques, ce que certains qualifient d’optimisation fiscale, a ainsi permis des transferts afin d’échapper à l’impôt dans les pays où les recettes devraient être déclarées et taxées. Mais il n’est pas nécessaire d’aller se réfugier sous les tropiques puisqu’au cœur même de l’Europe il est possible d’obtenir le même résultat, par exemple au Luxembourg, mais également aux Pays-Bas, à Malte ou en Irlande. Un ancien Président n’avait-il pas déclaré que les paradis fiscaux allaient être éradiqués !!!
Baisse du taux de l’impôt sur les sociétés (il était de 50 % pendant de longues années sans mettre en péril le capitalisme), baisse de l’impôt sur le revenu, mise en place du bouclier fiscal, suppression de l’ISF, instauration de la flat tax. La liste est longue des cadeaux pour les plus riches.Théorie du ruissellement : la fortune des plus riches irriguerait les plus pauvres. La démonstration est faite qu’il n’en est rien et qu’au contraire les plus riches n’ont jamais été aussi riches alors que la pauvreté s’étend.
L’ONG Oxfam a publié une étude au début de l’année 2021, à la veille de l’ouverture du sommet de Davos, démontrant que les plus riches, en 9 mois en 2020, ont retrouvé ce que la crise de la Covid avait pu leur faire perdre alors qu’à l’autre bout de la chaîne la pauvreté explose.
Une détérioration très importante du revenu disponible des retraités - Les petites retraites sauvegardées : mensonge !!!

La RÉALITÉ : dégradation pour la très grande majorité des retraités de leur revenu net après payement de l’impôt sur le revenu et des contributions et cotisations sociales.

Même pour un retraité qui percevait 1 000 € de retraite au 1 er janvier 2013, contrairement au discours officiel, il n’y a pas maintien du pouvoir d’achat malgré les 1 % au 1 er janvier 2020. En comparant son revenu disponible annuel en 2020 par rapport à 2013 il y a une progression de 2,5 % alors que les prix selon l’Insee ont progressé de 5,2 %. Nous sommes loin du maintien du pouvoir d’achat. Et la situation est encore pire pour ceux ayant une partie de leurs pensions de retraite avec des complémentaires.

Pour celles et ceux qui ont perdu la demi-part à l’impôt sur le revenu et ont vu la majoration de pension pour les parents de 3 enfants et plus devenir imposable, c’est une perte nette très importante.

Ce simple constat valide les revendications en faveur  

du rétablissement de la demi-part en matière d’impôt sur le revenu pour toutes les personnes vivant seules ayant élevé un enfant 


de la non-imposition de la majoration de pension.

Un retraité de plus de 65 ans vivant seul qui percevait une pension de retraite de base imposable de 1 300 € en janvier 2013 a perçu en 2020 1 346 € mensuellement (il a bénéficié de 1 % en 2020) soit une revalorisation annuelle sur 8 ans de 2,5 % alors que les prix ont augmenté de 5,2 %. S’il a une majoration de pension pour 3 enfants son revenu net après payement de l’impôt sur le revenu et des contributions sociales (CSG, CRDS et Casa) a diminué de 1,4 % sur la même période et s’il a moins de 65 ans il a une augmentation de 3,8 %, inférieure toutefois aux 5,2 %. Si parfois la revalorisation est supérieure à la hausse constatée par l’Insee, c’est parce qu’il y a eu dans quelques cas une diminution de l’impôt sur le revenu du fait de modifications de taux ou de décote, mais aussi parce que les pensions ont été revalorisées moins que les tranches du calcul de l’IR, ce qui a eu des conséquences sur le revenu fiscal de référence entraînant un passage du taux de CSG de 6,6 à 3,8 % et de ce fait la suppression des 0,3 % de Casa et du 1 % assurance maladie pour les retraites complémentaires.

Nous sommes donc très loin de l’affirmation selon laquelle les retraités sont des privilégiés. De plus, les pensions de retraite ne sont pas une allocation, elles sont le fruit des droits acquis par le versement de cotisations pendant la vie active. Ces cotisations ont servi à payer les pensions de celles et ceux qui étaient à la retraite et à générer des droits pour la future retraite. C’est le principe de la retraite par répartition.

Des mesures fiscales très régressives depuis 2008 pour les retraités
à ces revalorisations insuffisantes des pensions se sont ajoutées des mesures fiscales qui ont amputé encore plus le revenu disponible. Liste non exhaustive : suppression de la demi-part en matière d’impôt sur le revenu pour la plupart des personnes vivant seules ayant élevé au moins un enfant (avec des conséquences importantes en matière d’impôts locaux et d’aides sociales) depuis l’imposition des revenus de 2008 (avec maintien limité dans le temps et en impôt jusqu’en 2013 pour les personnes qui avaient déjà eu cette demi-part), assujettissement à l’impôt sur le revenu de la majoration de pension pour les parents de 3 enfants et plus à partir de l’imposition des revenus de 2013, instauration de la CASA au 1 er avril 2013, augmentation de la CSG au 1 er janvier 2018.
Je paye 45 % d’impôt sur le revenu  – Vrai ? Faux ?
Faux. Avec la progressivité du barème, le taux de 45 % ne s’applique que sur la dernière tranche. Ainsi, pour un couple où un seul travaille, il faut un revenu imposable en 2020 de 328 897 € pour que chaque euro supplémentaire soit taxé à 45 % et pour un couple dans lequel chacun gagnerait le même salaire, il faut plus de 341 548 € de revenu imposable en 2020. Pour un couple de retraités, il faut plus de 320 102 € de revenu imposable, ce qui représente des pensions mensuelles brutes de retraite supérieures à 28 347,75 € (en tenant compte de la CSG déductible).Vrai. Au-delà de ces limites, ils paieront 45 % sur chaque euro supplémentaire. Mais même dans ces conditions, pour 1 000 € de revenus supplémentaires il reste encore 550 € pour de menus achats !!!!!
Aux États-Unis, le taux maximal de l’impôt sur le revenu a été dans les années 1930 de 91 %, pourtant le capitalisme n’est pas mort. En France, dans les années 80 il y avait 14 tranches de 0 à 65 %.
Il faut également rappeler que l’impôt sur le revenu est un impôt progressif alors que la CSG est un impôt proportionnel.

Ainsi, en IR lorsque l’on passe de la tranche à 11 % à la tranche à 30 %, le taux de 30 % n’est appliqué que sur la partie de revenu imposable (pour une part) excédant 25 710 €. Alors qu’avec la CSG lorsqu’une personne passe, par exemple, du taux de 3,8 % à 6,6 %, elle paye dès le 1 er euro la CSG à 6,6 % et cerise sur le gâteau elle acquitte aussi la Casa à 0,3 %.

Cela conduit à ce que le revenu net soit inférieur avec quelques euros supplémentaires de revenu brut. Et certains, pas seulement dans la majorité macronienne souhaitent fusionner l’impôt sur le revenu et la CSG et supprimer Ainsi la progressivité de l’impôt sur le revenu pour le plus grand profit des revenus les plus élevés et au détriment des plus modestes.

Même si elles sont apparemment indolores n’oublions pas l’importance des taxes indirectes qu’il s’agisse de la TVA ou de la TICPE (taxe intérieure sur les produits énergétiques).

Elles pèsent lourdement sur les budgets, en particulier, de celles et ceux ayant les revenus les plus faibles. Il en est de même avec les dépenses de santé surtout lorsque le manque de ressources conduit à ne pas pouvoir se payer une protection sociale complémentaire.


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